Dans les rapports entre deux générations, les aînés ont une avance sur les jeunes. Ils ont fait leur chemin et veulent protéger ces derniers. Mais les jeunes veulent aussi bien faire les choses, mais à leur façon. Chaque parent doit donc collaborer avec ses enfants pour trouver, ensemble, le pont qui les réconcilie.
Chaque circonstance de la vie peut énormément nous enseigner. Il suffit que l’on soit curieux. Il y a quelques mois, l’attitude de trois jeunes frère et sœurs d’une famille m’a surprise, alors que je séjournais chez eux. A leur retour d’école, les deux cadets ont donné de l’argent à leur grande sœur pour qu’elle lave leurs tenues de classe. Pour passer la transaction, ils avaient un langage codé qu’aucun adulte dans la maison ne pouvait comprendre.
Etonné par leurs mouvements, j’ai commencé à leur poser des questions ; mais je sentais beaucoup de résistance au départ. Finalement ils m’ont avoué ce qui se passait. J’étais tout simplement interloqué ; je me serais imaginé que l’aînée leur eût demandé de laver ses vêtements, mais de là à voir les cadets le demander et proposer un paiement! En discutant davantage avec eux pour savoir ce qui les motivait, j’ai appris que pour eux, ce qui compte le plus c’est d’atteindre le résultat, sans questionner comment cela est fait. C’est pratiquement deux points de vue opposés : celui d’un aîné, versus celui de jeunes.
Dans son livre « Sous l’orage, » Seïdou Badian mettait déjà à nu les confrontations qu’il y a entre le passé, la tradition, les anciens avec l’avenir, la nouveauté, la jeunesse. Il y montre que « les contradictions idéologiques existent très souvent entre des personnes de générations différentes – parents et enfants, chacun pensant que sa position est la meilleure et la seule raisonnable, » chacun pensant que les autres ne comprennent absolument rien.
Dans le cadre de la rigueur, à savoir bien accomplir tout ce que l’on entreprend, les jeunes savent généralement de quoi il en ressort, et ce que cela implique. Dans un sondage que j’ai mené en 2019 à ce propos auprès d’une quinzaine de jeunes – tranche d’âge de 13 à 20 ans, plusieurs me donnaient clairement ce qu’ils entendaient par rigueur dans le cadre de l’accomplissement d’un travail. Selon ces jeunes, la rigueur doit s’exercer, quel que soit le domaine dans lequel on se trouve.
A la question de savoir ce qui les empêche de bien faire leur travail, plusieurs raisons importantes ont été avancées ; la connaissance de cela par les aînés peut aider ceux-ci à mieux accompagner les jeunes, et non les cataloguer de « génération rebelle et paresseuse. » Parmi ces obstacles, ils ont cité : l’incompétence (ne pas savoir comment faire) et la peur de demander de l’aide, la précipitation, l’absence de volonté et de persistance, la paresse, l’absence de sérieux, etc.
Ce n’est donc pas la connaissance qui manque généralement à ces jeunes, mais le soutien. Or, selon eux, au lieu de soutien, ils expérimentent plutôt la réaction excessive des parents, qui crient sur eux sans leur expliquer calmement ce qui est attendu d’eux. Est-ce à dire que c’est facile pour les parents ? Loin de moi de le penser. Car il y a des enfants qui sont de véritables « casse-pieds. » Que faire alors ? Rester chacun dans sa posture ? Ce serait très difficile pour les relations. Il faut tout autre chose.
Il va alors revenir aux parents de créer le pont et l’environnement qui aideront l’enfant à grandir en rigueur ; j’utilise le terme « grandir » parce que, que le parent le veuille ou pas, le jeune est en train de grandir, physiquement, intellectuellement, émotionnellement, et psychologiquement. Ce pont doit constituer au moins les éléments suivants :
- Etre eux-mêmes des exemples de rigueur pour les enfants. En commençant par cela, ils se rendront compte qu’ils ne font pas toujours les choses comme ils le devraient. Ceci les rend humble et les prépare à exercer beaucoup de patience et de grâce envers les enfants.
- Connaître l’origine de l’absence de la rigueur chez les enfants. Si nous prenions souvent du temps pour comprendre la situation des enfants, ce qui se passe dans leur tête, leurs peurs et leurs doutes, on aurait plus d’arme pour les aider avec empathie. Chercher la raison profonde et sous-jacente de la fatigue, de la paresse ou de la procrastination serait l’approche meilleure et durable pour les aider à grandir et à bien faire ce qui est attendu d’eux.
- Proposer son aide et son soutien. Les enfants doivent entendre le parent leur dire : « Je me rends compte que ton absence de rigueur est due à…J’ai bien réfléchi à comment te sortir de là. Je veux t’aider. » Cette approche du parent brise toute résistance des enfants et les amène à être ouverts. C’est ici qu’il pourra par exemple leur montrer comment faire telle tâche, l’objectif à atteindre, l’intérêt qu’il y a à faire un travail en une fois, etc. Même si les enfants échouent encore, il faut les rappeler à l’ordre. La discipline peut-elle devenir nécessaire à un moment donné ? Certainement, lorsque le parent a donné tous les ingrédients aux enfants, et que ces derniers soient manifestement rebelles. Mais jusque-là, allier fermeté avec pédagogie et amour.
Réussir la démarche de la rigueur avec la jeune génération implique le changement du cœur et la collaboration des enfants. Leur imposer la rigueur ne marchera pas, ou marchera tant que les parents sont dans les parages. Or, ce n’est pas ce qu’on vise en tant que parent, mais plutôt que la rigueur fasse partie de la culture de notre descendance.
Exercez-vous. Comment faites-vous pour gérer le « conflit de génération » entre vous et vos enfants en ce qui concerne la rigueur ? Quand avez-vous dernièrement pris du recul pour comprendre la raison sous-jacente à l’absence de rigueur chez vos enfants ? Comment considérez-vous le fait d’offrir votre aide à vos enfants ? Quel langage utilisez-vous pour cela ? Nous serions heureux que vous partagiez vos réflexions avec la communauté Rigorwell.
Gildas Tankou, Fondateur Rigorwell & Co®.
P.S. Les idées présentées sur cette plateforme n’auront aucun impact dans votre vie, et seraient une perte de votre temps si vous ne les mettez pas immédiatement en pratique au quotidien.